« Notre charge apostolique »

Afficher l'image d'origine« Le Sillon » fut un mouvement idéologique fondé par Marc Sangnier en 1894, visant à réconcilier le catholicisme avec les ouvriers, en leur offrant une alternative aux mouvements de gauche anticléricale et matérialiste.  ( = « catholicisme social » = début du modernisme, œcuménisme, laïcité, humanisme à la con, internationalisme, , etc… bref tout le programme Vatican II )

Malgré son succès, Le Sillon finit par être condamné en 1910 par le pape Pie X, qui se fendit  d’une encyclique pour réfuter l’idéologie de ce mouvement moderniste et réclamer sa dissolution au motif qu’il n’était « plus catholique » . On lira donc ça en repensant bien fort à l’Église actuelle, et on appréciera…

(bien sûr, c’est mieux de lire l’encyclique en entier, mais comme elle est vraiment très longue, je vais être sympa et ne garder ci-dessous que quelques morceaux choisis…)

*** Notre charge apostolique ***

[ Dans la première partie, Pie X rappelle  les théories sociales du Sillon : du bon gros socialisme qui tâche, à base « dignité humaine » mal comprise engendrant jalousie et lutte des classes ; humanitarisme et fraternité basés sur l’amour du « Bien Commun « (valeur utopique supposées primer sur les égoïsmes personnels…) ; aspirations universalistes… ]

« (…)  Ce rapide exposé, vénérables Frères, vous montre déjà clairement combien Nous avions raison de dire que le Sillon bâtit sa cité sur une théorie contraire à la vérité catholique et qu’il fausse les notions essentielles et fondamentales qui règlent les rapports sociaux dans toute société humaine.(…)

Le Sillon qui enseigne de pareilles doctrines et les met en pratique dans sa vie intérieure, sème donc parmi votre jeunesse catholique des notions erronées et funestes sur l’autorité, la liberté et l’obéissance.(…) Il en est de même de la notion de fraternité, dont ils mettent la base dans l’amour des intérêts communs, ou, par delà toutes les philosophies et toutes les religions, dans la simple notion d’humanité, englobant ainsi dans le même amour et une égale tolérance tous les hommes avec toutes leurs misères, aussi bien intellectuelles et morales que physiques et temporelles. Or, la doctrine catholique nous enseigne que le premier devoir de la charité n’est pas dans la tolérance des convictions erronées, quelques sincères qu’elles soient, ni dans l’indifférence théorique ou pratique pour l’erreur ou le vice où nous voyons plongés nos frères, mais dans le zèle pour leur amélioration intellectuelle et morale, non moins que pour leur bien-être matériel.

(…) En séparant la fraternité de la charité chrétienne ainsi entendue, la démocratie, loin d’être un progrès, constituerait un recul désastreux pour la civilisation. 

(…)

Il fut un temps où le Sillon, comme tel était formellement catholique. En fait de force morale, il n’en connaissait qu’une, la force catholique, et il allait proclamant que la démocratie serait catholique ou qu’elle ne serait pas. Un moment vint où il se ravisa. Il laissa à chacun sa religion ou sa philosophie. Il cessa lui-même de se qualifier de  » catholique  » et, à la formule  » La démocratie sera catholique « , il substitua cette autre  » La démocratie ne sera pas anticatholique « , pas plus d’ailleurs qu’anti-juive ou anti-bouddhiste. Ce fut l’époque du « plus grand Sillon ». On appela à la construction de la cité future tous les ouvriers de toutes les religions et de toutes les sectes. On ne leur demanda que d’embrasser le même idéal social, de respecter toutes les croyances et d’apporter un certain appoint de forces morales. (…) Et tous les groupements nouveaux, devenus en apparence autonomes : catholiques, protestants, libres-penseurs, sont priés de se mettre à l’œuvre.  » (…)

Ceci dit, que faut-il penser de la promiscuité où se trouveront engagés les jeunes catholiques avec des hétérodoxes et des incroyants de toute sorte dans une œuvre de cette nature ? N’est-elle pas mille fois plus dangereuse pour eux qu’une association neutre ?(…)

Que faut-il penser de ce respect de toutes les erreurs et de l’invitation étrange, faite par un catholique à tous les dissidents, de fortifier leurs convictions par l’étude et d’en faire des sources toujours plus abondantes de forces nouvelles ?  (…)

Condamnation du Sillon :

Oui, hélas ! l’équivoque est brisée ; l’action sociale du Sillon N’EST PLUS CATHOLIQUE ;

(…) Mais, plus étranges encore, effrayantes et attristantes à la fois, sont l’audace et la légèreté d’esprit d’hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre la société dans de pareilles conditions et d’établir sur terre, par-dessus l’Église catholique «  le règne de la justice et de l’amour « , avec des ouvriers venus de toute part, de toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances, pourvu qu’ils oublient ce qui les divise : leurs convictions religieuses et philosophiques, et qu’ils mettent en commun ce qui les unit : un généreux idéalisme et des forces morales prises « où ils peuvent « .

Quand on songe à tout ce qu’il a fallu de forces, de science, de vertus surnaturelles pour établir la cité chrétienne, et les souffrances de millions de martyrs, et les lumières des Pères et des Docteurs de l’Église, et le dévouement de tous les héros de la charité, et une puissante hiérarchie née du ciel, et des fleuves de grâce divine, et le tout édifié, relié, compénétré par la Vie de Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, le Verbe fait homme ; quand on songe à tout cela, on est effrayé de voir de nouveaux apôtres s’acharner à faire mieux avec la mise en commun d’un vague idéalisme et de vertus civiques. Que vont-ils produire ? Qu’est-ce qui va sortir de cette collaboration ?

Une construction purement verbale et chimérique, où l’on verra miroiter pêle-mêle et dans une confusion séduisante les mots de liberté, de justice, de fraternité et d’amour, d’égalité et d’exaltation humaine, le tout basé sur une dignité humaine mal comprise. Ce sera une agitation tumultueuse, stérile pour le but proposé et qui profitera aux remueurs de masses moins utopistes. Oui, vraiment, on peut dire que le Sillon convoie le socialisme, l’œil fixé sur une chimère.

Nous craignons qu’il n’y ait encore pire. Le résultat de cette promiscuité en travail, le bénéficiaire de cette action sociale cosmopolite ne peut être qu’une démocratie qui ne sera ni catholique, ni protestante, ni juive ; une religion (car le sillonnisme, les chefs l’ont dit, est une religion) plus universelle que l’Église catholique, réunissant tous les hommes devenus enfin frères et camarades dans  » le règne de Dieu « .-  » On ne travaille pas pour l’Église, on travaille pour l’humanité « .

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Et maintenant, pénétré de la plus vive tristesse, Nous Nous demandons, vénérables Frères, ce qu’est devenu le catholicisme du Sillon. Hélas, lui qui donnait autrefois de si belles espérances, ce fleuve limpide et impétueux a été capté dans sa marche par les ennemis modernes de l’Église et ne forme plus dorénavant qu’un misérable affluent du grand mouvement d’apostasie organisé, dans tous les pays, pour l’établissement d’une Église universelle qui n’aura ni dogmes, ni hiérarchie, ni règle pour l’esprit, ni frein pour les passions (…)

Nous ne connaissons que trop les sombres officines où l’on élabore ces doctrines délétères qui ne devraient pas séduire des esprits clairvoyants.  (…).

Nous voulons attirer votre attention, Vénérables Frères, sur cette déformation de l’Évangile et du caractère sacré de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pratiquée dans le  » Sillon  » et ailleurs. Dès que l’on aborde la question sociale, il est de mode, dans certains milieux, d’écarter d’abord la divinité de Jésus-Christ, et puis de ne parler que de sa souveraine mansuétude, de sa compassion pour toutes les misères humaines, de ses pressantes exhortations à l’amour du prochain et à la fraternité.

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Certes, Jésus nous a aimés d’un amour immense, infini, et il est venu sur terre souffrir et mourir pour que, réunis autour de lui dans la justice et l’amour, animés des mêmes sentiments de charité mutuelle, tous les hommes vivent dans la paix et le bonheur. Mais, à la réalisation de ce bonheur temporel et éternel, il a mis, avec une souveraine autorité, la condition que l’on fasse partie de son troupeau, que l’on accepte sa doctrine(…). Puis, si Jésus a été bon pour les égarés et les pécheurs, il n’a pas respecté leurs convictions erronées, quelque sincères qu’elles parussent ; il les a tous aimés pour les instruire, les convertir et les sauver. (…)  Il a été aussi fort que doux ; il a grondé, menacé, châtié, sachant et nous enseignant que souvent la crainte est le commencement de la sagesse et qu’il convient parfois de couper un membre pour sauver le corps. Enfin, il n’a pas annoncé pour la société future le règne d’une félicité idéale, d’où la souffrance serait bannie ; mais, par ses leçons et par ses exemples, il a tracé le chemin du bonheur possible sur terre et du bonheur parfait au ciel : la voie royale de la croix.

Ce sont là des enseignements qu’on aurait tort d’appliquer seulement à la vie individuelle en vue du salut éternel ; ce sont des enseignements éminemment sociaux, et ils nous montrent en Notre-Seigneur Jésus-Christ autre chose qu’un humanitarisme sans consistance et sans autorité.

(…) La question sociale sera bien près d’être résolue lorsque les uns et les autres, moins exigeants sur leurs droits mutuels, rempliront plus exactement leurs devoirs.

[ L’encyclique se termine sur les modalités de dissolution de l’organisation du Sillon]

Le pape Pie X,  le 25 août 1910 

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